À quelle enseigne te blottir ? Centre d’artistes Vaste et Vague, Carleton, 2005
À quelle enseigne te blottir ? Circa, Montréal, 2007
Ma maison, Est-Nord-Est résidence d’artistes, Saint-Jean-Port-Joli, 2008
Ce travail aborde la notion d’espace habitable et se réfère à la fonction première d’habiter un lieu, c’est-à-dire, fondamentalement, façonner un espace de pensée et de protection. La prédisposition générale à occuper un lieu selon la manière consumériste de concevoir l’habitat sans considérer son intégration à l’environnement m’a amenée à concevoir un projet évolutif et modulable selon le lieu où il est présenté.
À quelle enseigne te blottir ? Centre d’artistes Vaste et Vague, Carleton, 2005
L’abri est déposé sur pilotis dans la grande salle de la galerie en bordure de mer.




À quelle enseigne te blottir?, Circa, Montréal, 2007
L’abri est soumis à des contraintes physiques dictées par l’exigüité des lieux.


Ma maison, Est-Nord-Est résidence d’artistes, Saint-Jean-Port-Joli, 2008
Dans cet espace-miroir, l’abri fait écho au paysage.




À quelle enseigne te blottir?
Michèle Lorrain
Du 5 mai au 2 juin 2007
Circa, centre d’exposition art contemporainhabiter
À deux ans, j’ai construit des châteaux de sable, à vingt, je les ai transportés en Espagne. Dix ans plus tard, j’ai bâti avec mes enfants des écoles et des théâtres, en briques jaunes et bleues. J’ai ensuite imaginé une ville où loger des maisons, celle de Catherine et celle de Jean, comme celles des autres qui, avec les années, sont passés devant chez moi : un maçon, une infirmière, un cuisinier, une avocate. Ils vivaient tout près, sans que je les connaisse. J’habite un lieu dont personne n’a vu le décor. Je resterai toujours une inconnue.
C’est une question d’éternité. Rien ne finit, et je ne finis rien. Le chemin reste ouvert. Chacun découvre son univers. Un univers dont l’enveloppe pourrait être faite de tissu blanc émaillé de pastilles rouges, recouvrant un intérieur à peine visible, puisque nous cachons tous un secret. Blanc iceberg, rouge feu, un mélange imprévu, une rencontre impossible. Un abri fragile, occupant un terrain sans limites, un voile déposé sur une âme nue.
Peut-être aurais-je voulu devenir l’architecte de jardins intimes, et y cultiver le vocabulaire de l’inconscient ? Mais autour, sur les remparts en contreplaqué de palais imaginaires, le roi et sa cour demeureraient inaccessibles. Je dessine des rues sans indiquer la route à suivre. Percer une fenêtre, enlever un toit, sert à afficher les murs. Un jour, j’ai peint des chaises immenses, plutôt confortables j’imagine, où seules des ombres pouvaient s’asseoir. Souhaitant m’expliquer, j’ai aussi accroché dans une pièce carrée quatre miroirs bombés où se conjuguaient votre image et mes mots : for, fin, fou, feu. Une machine à réfléchir qui renvoyait, confondus, votre destin et le mien.
Le terrain où je travaille est vague. Je juxtapose les espaces pour faire un paysage. Parfois, sous mes yeux, le passé, le présent et le futur s’opposent, alors que chacun contient l’autre. Je recouds le temps, pour y inscrire une présence. Je propose des liens, mais je n’impose rien. Il y a parmi nous des gens qui s’acharnent à recueillir des voix afin de parler en notre nom. Cependant, il n’y a aucun élu pour évoquer nos joies ou nos peines. Je ne parle qu’en mon nom, préférant glisser dans des sacs, qui ont jadis transporté des bulletins de vote, mille histoires pleines d’images, de chiffres et de trous. Tout comme ces maisons, soustraites au regard, qui peuplent les villes.
Je ne peux pas tout dire. Mon outil, c’est de la peinture appliquée sur une toile fixée sur du bois. Mon prétexte, c’est d’occuper un cube. Ma fortune, c’est d’être ici, telle que je suis ou telle que vous m’imaginez, de me confier à vous, puis de partir pour ailleurs, peut-être. Ce qui subsistera de notre rencontre appartient au délicat assemblage des matériaux de la mémoire. J’aimerais tout dire, mais je n’en sais pas plus. Et vous ?
Claude Edgar Dalphond
1er mars 2007